Voir le paysage comme un organisme
- Fabian

- 30 oct.
- 4 min de lecture
Un paysage n’est pas une somme d’éléments. C’est un système vivant où chaque partie influence les autres.Le sol, l’eau, la végétation et les circulations humaines ou animales forment un tout dynamique. Quand l’un change, tous réagissent.
Une organisation systémique et auto-régulée

Comme un organisme, un paysage se compose de sous-systèmes interdépendants : sol, eau, végétation, climat local, faune, activité humaine. Chacun joue un rôle fonctionnel.
Le sol agit comme un organe d’échange et de filtration. Sa porosité régule les échanges entre surface et nappe. C’est un substrat nourricier et fixateur des éléments éoliens et solubles.
L’eau distribue énergie et nutriments, stabilise les ruissellement ou les accélère. Connecte les éléments entre eux, sur terre, dans l'atmosphère et sous nos pieds. C’est comparable à un réseau sanguin.
La végétation transforme l’énergie solaire en biomasse et influence la respiration du système par la transpiration. Elle est structurante, nourricière, stocke du carbone, crée des micro-climats et abrite la biodiversité
Les circulations (animaux, humains, machine, logistique, biodiversité) assurent la connectivité, la fluidité, régule les interactions, conditions essentielles à la résilience.
Selon Howard T. Odum, un écosystème mature tend vers un état d’équilibre dynamique : il dissipe l’énergie tout en maintenant sa structure, à la manière d’un métabolisme.
Les boucles de rétroaction sont partout
Les interactions entre composantes créent des boucles de rétroaction (feedbacks), positives ou négatives. Une boucle de rétroaction est un système qui s’auto-entretient, voire qui s’accélère par auto-renforcement.
Exemples :
POSITIVE : Quand la couverture végétale augmente, elle améliore l’infiltration et réduit le ruissellement ; l’humidité du sol s’élève, stimulant à son tour la croissance des plantes.
NÉGATIVE : À l’inverse, un sol nu favorise l’érosion, appauvrit la vie microbienne, diminue la rétention d’eau et renforce la sécheresse.
Ces dynamiques circulaires expliquent pourquoi un petit changement local peut déclencher des effets en cascade sur tout le bassin versant. Des travaux comme ceux de Ludwig et Tongway (Restoring Disturbed Landscapes: Putting Principles Into Practice - 2011) sur les paysages semi-arides australiens ont montré comment la fragmentation du couvert végétal suffit à inverser la direction des flux d’énergie et de nutriments.
Le paysage comme métabolisme énergétique
Chaque paysage transforme l’énergie solaire en flux matériels : chaleur, vapeur, biomasse. Ce métabolisme, étudié par H. T. Odum et prolongé par les approches d’écologie territoriale (Barles, 2010 ; Haberl et al., 2014), permet de quantifier les échanges entre nature et activité humaine.
Un territoire « en bonne santé » maintient un rendement énergétique net positif : la photosynthèse dépasse la dégradation.
Quand l’artificialisation domine, ce bilan s’inverse : le paysage consomme plus d’énergie qu’il n’en produit.
Structure fractale et hiérarchique
Comme les tissus d’un organisme, un paysage s’organise par niveaux imbriqués :
bassin versant → versant → micro-drainage → sol → micro-agrégats
Chacun possède ses fonctions propres mais dépend du niveau supérieur pour la stabilité générale. La théorie de la hiérarchie écologique (Allen & Starr, 1982) montre que les processus rapides (ruissellement, croissance végétale) interagissent avec des structures lentes (topographie, climat) selon des rapports d’échelle constants.
Avec quelle implication pratique ? Concevoir avec le vivant
Un designer ou un agriculteur régénératif ne « gère » pas des éléments séparés ; il orchestre des flux
Bon, maintenant, adopter cette vision, c’est passer d’une approche « mécanique » du paysage à une approche physiologique.
Un designer ou un agriculteur régénératif ne « gère » pas des éléments séparés ; il orchestre des flux pour renforcer la cohérence d’ensemble.
Les techniques comme le Keyline Design, la restauration de zones d’infiltration ou la végétalisation des interstices hydriques visent à rétablir ces connexions vitales, de la même façon qu’un organisme soigne sa circulation.
Comment appliquer cette vision dans la pratique ?

Penser le paysage comme un organisme change la manière de concevoir :
On n’aménage pas → on restaure.
On ne “gère” pas l’eau → reconnecte ses circulations naturelles.
On ne “plante” pas la végétation → stimule les boucles du vivant.
Les approches telles que le Keyline Design, la restauration hydrologique régénérative (Yeomans, 1954 ; Holmgren, 2011) ou la reconnexion des zones d’infiltration s’inspirent de cette logique organique : optimiser la circulation plutôt que contrôler les flux.
Des réf pour aller plus loin :
Odum, H.T. (1996) : Environmental Accounting: Emergy and Environmental Decision Making
Capra, Fritjof (1997) : The Web of Life
Yeomans, P.A. (1954) : The Keyline Plan. P.A. Yeomans, Sydney
Allen & Starr (1982) : Hierarchy Perspectives for Ecological Complexity
Holmgren, D. (2011) : Permaculture: Principles & Pathways Beyond Sustainability
Reij, C., Tappan, G. & Smale, M. (2009) : Agroenvironmental transformation in the Sahel: Another kind of “Green Revolution”. IFPRI Discussion Paper 00914
Savory, A. (2013) : Holistic Management: A New Framework for Decision-Making






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